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Dieter Rams: un modèle pour l'eco-conception

22 déc. 2020 —
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L’œuvre de Dieter Rams est intemporelle, et cela tient en grande partie au fait que c’est précisément la perspective dans laquelle elle entend s’inscrire. Toujours vivace dans l’univers des designers actuels, l’héritage du designer de produits va au-delà des objets qu’il a créés. Sa vision du design met en effet l’accent sur la responsabilité des designers et sur l’existence de ce que peut être un « bon design » par rapport à un « mauvais design ». Bien qu’ils aient été couchés par écrit voilà plus de 40 ans, ses dix principes pour un « bon design » peuvent aujourd’hui être considérés comme le modèle d’une approche approfondie et globale de l’éco-conception.

L’œuvre de Dieter Rams est intemporelle, et cela tient en grande partie au fait que c’est précisément la perspective dans laquelle elle entend s’inscrire. Toujours vivace dans l’univers des designers actuels, l’héritage du designer de produits va au-delà des objets qu’il a créés. Sa vision du design met en effet l’accent sur la responsabilité des designers et sur l’existence de ce que peut être un « bon design » par rapport à un « mauvais design ». Bien qu’ils aient été couchés par écrit voilà plus de 40 ans, ses dix principes pour un « bon design » peuvent aujourd’hui être considérés comme le modèle d’une approche approfondie et globale de l’éco-conception.

Un design inscrit dans la durée

Petit-fils de menuisier, Dieter Rams est né à Wiesbaden, près de Francfort, en Allemagne, en 1932. Adolescent au sortir de la guerre, il commence à étudier l’architecture et le design d’intérieur en 1947 et évolue alors dans une mouvance de designers intimement persuadés du fait que le design pouvait contribuer au façonnement d’un monde meilleur. L’intégration de ce sens de la responsabilité dans le domaine du design constitue l’une des constantes du travail de Rams, au même titre que la lutte permanente qu’il mena contre l’obsolescence planifiée.

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« Les professeurs de Dieter Rams faisaient partie du mouvement du Bauhaus. Chez Braun, son premier collaborateur principal a été Haus Gugelot, un important designer de l’école de design d’Ulm. Il a donc très tôt été influencé par le mouvement fonctionnaliste, qui préconise un style de modularité et de lignes simples, où la fonction égale la forme », explique Cecilia Chol, commissaire-priseur et experte en design du XXe siècle. « Si l’on s’en tient à l’exemple de son tourne-disque TP1 de 1959, les fonctions de base de celui-ci (en l’espèce, la lecture de musique et la portabilité) ne changeraient pas avec le temps. L’objectif de Rams était de proposer un design aussi pur que possible afin que l’utilisateur ne s’en lasse pas. Il visait la perfection du produit quant à sa fonction propre. »

D. Rams, Combiné portable platine-radio TP1, 1959, MoMA © The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence

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Pour Dieter Rams, les produits s’inscrivant dans la durée ne peuvent s’obtenir qu’en misant sur un design s’inscrivant lui aussi dans la durée, avec des solutions correspondant parfaitement à l’objectif poursuivi ; et ce principe s’applique à bien plus qu’au seul design des produits. Quel est le coût, tant financier qu’environnemental, d’une nouvelle identité graphique ? D’un nouveau design de bureau ? D’un nouvel emballage pour le même produit ? L’idée n’est pas, comme l’expliquait Rams lui-même, de créer un produit éternel, mais plutôt de créer quelque chose de si intemporel, de si bien conçu, qu’il sera possible de lui apporter des améliorations sans qu’il soit périodiquement nécessaire de tout recréer de toutes pièces. Cela implique une certaine approche du design, laquelle tente de se cristalliser autour d’une constante, de quelque chose qui durera dans le temps, en l’occurrence la fonction d’un produit, et qui, en mettant celle-ci en relief, pourrait constituer l’ADN d’une marque.

Moins, mais mieux

Le travail de Rams se fonde sur la précision, sur la nécessité de débarrasser le produit de tout ce qui n’est pas nécessaire, de tout ce qui peut se démoder. Pas de nom de marque sur le devant, pas de boutons ou d’éléments inutiles. Au cours de ses 40 années passées à la tête du département de design de Braun, Dieter Rams n’a jamais cessé de travailler avec la même rigueur, et selon une philosophie qu’il résumait par ces trois mots : « Moins, mais mieux ».

D. Rams & H. Gugelot pour Braun, Combiné platine-radio SK4/10, 1956, MoMA © The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence

D. Rams & D. Lubs pour Braun, Calculatrice ET 66, 1987, V&A Museum © The Victoria & Albert Museum

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Lorsque l’on se penche sur l'œuvre de Rams, on se trouve confronté à l’invention de solutions si parfaites, si largement réutilisées, que l’on en oublie presque qu’elles sont le résultat de nombreuses années de recherche. Qu’il s’agisse du modèle de la grille formée par les trous percés dans la plaque métallique d’un haut-parleur ou du bouton de commande unique et rond d’une radio, le travail de Dieter Rams a influencé les designers pendant des décennies et ses idées se sont trouvées intégrées aux créations des autres de manière parfaitement fluide.

Le travail de Jony Ive, qui a passé près de 30 années à la tête du design d’Apple fournit probablement le meilleur exemple de l’influence que Rams a pu exercer sur les designers contemporains. Ce qui frappe ainsi à première vue, c’est la quantité de détails du travail de Rams se retrouvant ici et là dans les designs conçus par Ive (des similitudes qui ont été largement documentées en ligne). Mais l’une des influences les plus directes exercée par le designer allemand sur son homologue britannique réside incontestablement dans la volonté de ce dernier de concevoir des produits dont l’utilisation soit intuitive ; un principe qui est au cœur même du design de la plupart des produits Apple. Et c’est peut-être l’un des points les plus marquants des idées de Rams : le fait de réduire les choses au minimum peut, en définitive, nous permettre de mieux comprendre le produit et, par voie de conséquence, de mieux l’utiliser. Moins de ressources pour plus d’impact.

En 2013, le designer français Sylvain Boyer a lancé une campagne appelée intitulée « Ecobranding ». L’idée était simple : réduire la quantité d’encre utilisée dans un logo, tout en en conservant l’impact visuel. Cela peut sembler anodin ; pourtant, avec des marques comme McDonald’s ou Starbucks, une légère modification du logo aurait un impact énorme sur les millions de tasses, de boîtes et de papiers de communication qui sont imprimés chaque année.

L’étude du travail réalisé par Rams nous invite à pousser cette idée un peu plus loin. Pour le designer allemand, le design peut avoir plus d’impact non pas en dépit qu’il ait été réduit au strict minimum, mais précisément parce qu’il a été réduit au minimum. Le temps est peut-être venu de commencer à choisir soigneusement les mots que nous voulons imprimer, de nous débarrasser des éléments qui cannibalisent le message que nous essayons de faire passer et de leur conférer l’impact qu’ils méritent.

« Un bon design est esthétique »

voquant Rams et l’impact que celui-ci a eu sur son travail, le designer vedette Naoto Fukasawa a eu ces mots au sujet de la radio de poche T3 de Braun : « Il n’existe rien de plus complet (...) Lorsqu’il est question d’esthétique, tout ce que vous voulez réaliser en tant que designer se trouve là ». Et c’est vrai : il ne faut pas oublier l’importance de l’esthétique dans le processus de création de Dieter Rams, car cette composante a certainement influencé Fukasawa dans son travail avec Muji.

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Les objets façonnent notre environnement personnel et notre sensation de bien-être de manière tout à fait significative. Et lorsque chaque détail peut avoir un impact, le soin et la précision apportés au processus de fabrication revêtent un caractère primordial. Le choix des matériaux, ainsi que la sensation qu’ils procurent sous nos doigts, constituent des éléments dont on comprend bien l’importance cruciale quand on consulte les études qui montrent à quel point les différents matériaux peuvent influer sur notre comportement.

 

Rams disait que « le monde qui peut être perçu par les sens dégage une aura qui, je crois, ne peut pas être numérisée ». Les matériaux, tout comme la façon dont ils sont façonnés, ont un impact sur nos sens. Cet impact peut devenir un message s’il est bien conçu.

 

Imaginez que vous souhaitiez envoyer un message à quelqu’un sur une feuille de papier. Imaginez que cette feuille de papier, parce qu’elle a été soigneusement sélectionnée pour son toucher et sa couleur, soit capable de transmettre une partie du message à lui seul. Imaginez maintenant combien vous auriez alors moins à dire pour faire passer ce message. Moins, mais mieux.

 

Si l’on transpose maintenant la théorie au domaine de l’éco-impression, il existe de nombreuses façons d’appliquer ces principes tout au long de la chaîne, et tout l’enjeu consiste ici à remettre en question les habitudes, à chaque étape. Nous avons parlé de précision dans la conception du message, mais nous pouvons également remettre en question la police de caractère que nous avons choisie et l’encre que nous utilisons pour imprimer ce message. Du type de papier que nous utilisons, à la taille et au nombre de documents que nous imprimons : ces éléments peuvent, certes, paraître anodins, mais ils ont un impact final. Il faut juste accepter de faire preuve de rigueur pour considérer ces éléments pouvant paraître anodins comme faisant partie intégrante d’un tout.