Communication imprimée, Creative power

Un tempérament créatif - Sophie Brice, du groupe Alain Ducasse aux illustrations de voyages

02 févr. 2022 —
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Portrait de Sophie Brice

La certitude de se trouver face à un esprit curieux : voilà ce qui attire en tout premier lieu l’attention lorsque l’on fait la rencontre de Sophie Brice. Fervente voyageuse, éprise d’art, chacun des détails des villes qu’elle dévore suscite en elle l’émotion, tandis que son regard est sans cesse à l’affût de l’inspiration. Passionnée de livres, elle a également mis un pied dans le monde de l’édition chez le célèbre éditeur de livres d’art Xavier Barral. Pour son projet de fin d’étude, elle n’avait pas hésité à s’attaquer au véritable monument que constitue « La Cantatrice Chauve », et avait, au passage, obtenu la bénédiction de Massin, le graphiste français qui avait créé la version de 1963, œuvre majeure de la typographie expressive.

La certitude de se trouver face à un esprit curieux : voilà ce qui attire en tout premier lieu l’attention lorsque l’on fait la rencontre de Sophie Brice. Fervente voyageuse, éprise d’art, chacun des détails des villes qu’elle dévore suscite en elle l’émotion, tandis que son regard est sans cesse à l’affût de l’inspiration. Passionnée de livres, elle a également mis un pied dans le monde de l’édition chez le célèbre éditeur de livres d’art Xavier Barral. Pour son projet de fin d’étude, elle n’avait pas hésité à s’attaquer au véritable monument que constitue « La Cantatrice Chauve », et avait, au passage, obtenu la bénédiction de Massin, le graphiste français qui avait créé la version de 1963, œuvre majeure de la typographie expressive.

Elle a œuvré en qualité de directrice artistique dans le secteur de la haute gastronomie durant sept années, au cours desquelles elle a notamment aidé Alain Ducasse à mettre au point l’édifiant concept de la « naturalité ». Elle s’est également lancée dans la mise en illustration de nombreuses villes, ce qui a donné lieu à la création d’une carte de vœux pour Havas et à toute une série de sérigraphies des plus grandes villes du monde.  

Votre carrière est particulièrement variée, c’est le moins que l’on puisse dire. Comment vous y prenez-vous pour articuler ces différentes parties de votre vie ?

J’ai connu une phase pendant laquelle je prenais les choses à l’envers, en m’évertuant sans cesse à tout compartimenter. J’avais alors en effet contracté l’habitude de dire que j’avais trois métiers : que j’étais enseignante, directrice artistique et illustratrice, alors que tout cela ne forme en définitive qu’un seul et même tout. Chacune de ces activités nourrit l’autre, et vice-versa, comme dans le principe des vases communicants.

 

Illustration de la France sur le papier Keaykolour Matcha TeaIllustration de la France sur

Keaykolour Matcha Tea

"Finalement, tout devient de la nourriture graphique et visuelle."

Cela fait déjà plusieurs années que vous enseignez à l’ECV Paris - Creative Schools & Community : que vous apporte le contact avec les étudiants ?

J’adore leur énergie. Ils ont les yeux qui pétillent, ils sont extrêmement curieux et emplis d’une multitude de questions. Je pense que l’un des risques de ce métier réside dans le fait de penser que les choses sont acquises et que l’on évolue dans un système clos. Force est toutefois de reconnaître que l’enseignement oblige également à se remettre en question. Et puis il y a aussi la question de la transmission, de la capacité que l’on peut avoir à leur transmettre cette curiosité, cet esprit de recherche. C’est pour cela que je leur demande de tenir un carnet, de fréquenter les librairies.

Il ne fait, certes, aucun doute qu’Instagram et Pinterest permettent de faire de belles découvertes, et que cela permet de s’ouvrir à une foule de choses, mais je pense que le fait de ne faire que cela, limite aussi très clairement l’esprit.

 

Quels conseils leur prodigueriez-vous pour être créatifs à une époque où tout le monde aspire à l’être ?

C’est vrai que les livres consacrés à la créativité sont de plus en plus nombreux. Or je pense que, pour un graphiste, il n’est jamais bon de s’enfermer dans un cocon 100 % graphique. Je dis d’ailleurs souvent à mes étudiants que le fait de ne prêter attention qu’au seul design graphique peut conduire à un certain épuisement et à un certain formatage de la créativité. En revanche, le fait de fréquenter les musées, de lire, de se montrer curieux de tout et, plus encore, d’explorer et de découvrir d’autres domaines, cela permet de nourrir des projets qui nous sont propres. L’art considéré au sens large fonctionne aussi : un artiste comme Basquiat, par exemple, qui mélange le graphisme, la typographie, les lignes et les motifs constitue une véritable mine d’inspiration. Et je pense que le fait de voyager aide aussi beaucoup.

 

Magazine de la marque Nike ouvert

Conception éditoriale pour le magazine Nike

 

Images de la Thailande et du Sri Lanka.jpg

Image par Sophie Brice en Thailande / Sri Lanka


Où cherchez-vous l’inspiration ? 

Je la cherche principalement à l’extérieur, en parcourant la ville : dans les enseignes, dans les couleurs dont sont parées les portes, dans l’architecture, les matériaux, la typographie. Je me trouvais à Chartres samedi dernier et je suis tombée littéralement amoureuse de la façade d’une boucherie à l’ancienne. Et puis il y a les livres anciens. J’adore chercher et trouver des références dans de vieux livres ou dans des musées, c’est quelque chose dont je ne me lasse vraiment pas. La visite d’un musée constitue pour moi une source d’inspiration à laquelle je peux m’abreuver pendant plusieurs semaines ; la stimulation cérébrale que cela peut engendrer est tout bonnement incroyable.

 

Vous avez collaboré avec diverses personnalités, lesquelles sont celles qui vous inspirent encore aujourd’hui ?

En matière de graphisme, il y a Antoine Ricardou, qui a cofondé le studio Be-Pôles. J’ai commencé à enseigner avec lui et c’est quelqu’un qui possède une curiosité très poussée, qui aime voyager. J’ai une réelle admiration pour le processus de recherche qui est le sien : c’est un collectionneur, un vrai de vrai. Je trouve que ce qu’il réalise pour ses clients revêt souvent le caractère de la précision, de l’humilité, de l’authenticité, autant d’éléments qui se font de plus en plus rares de nos jours. Alain Ducasse est un personnage impressionnant, par le travail acharné qu’il fournit et par le niveau élevé de ses exigences. Du livre revêtant une extrême importance au menu d’un événement de moindre envergure, il a toujours pris le temps de s’intéresser à chacun des supports qui lui étaient soumis. Il a toujours un regard précis et acéré lorsqu’il s’agit de choisir le papier. Il a cette sensibilité et cette idée selon lesquelles il est impératif que tout fasse sens.

 

Livre "Naturalité" d'Alain Ducasse imprimé sur le papier Conqueror Wove"Naturalité" par Alain Ducasse imprimé sur Conqueror Wove par l'imprimerie du Marais (FR)

Le fait d’être en contact avec le monde de la gastronomie et de la haute cuisine nécessite de cultiver un certain intérêt pour la sensorialité ; en quoi cela a-t-il pu vous influencer ?

Je pense que j’avais déjà développé une certaine sensibilité à cet égard et que j’étais aussi très clairement mue par le désir de travailler dans les secteurs du luxe et de la gastronomie. Je dois dire aussi que j’ai vraiment eu la chance de faire ce que j’avais envie de faire, et que cette sensibilité que je portais déjà en moi s’est trouvée grandement renforcée par mon expérience auprès d’Alain Ducasse, ainsi que par le besoin qu’il a de l’excellence, de proposer des choses rares et jamais vues auparavant. Mais le fait de travailler avec des imprimeurs comme l’Imprimerie du Marais a aussi constitué une expérience incroyable : on a vraiment envie de rester et d’observer tout le travail qui y est effectué avec ces machines incroyables, et tout cette attention prêtée aux détails.

Ce rapport au papier revêt-il une valeur particulière à vos yeux ?

Oui, j’adore l’odeur des nouveaux livres quand on les ouvre. Je travaille souvent avec un carnet d’inspiration, et le choix de ce carnet est pour moi très important, car j’y mets des papiers, des cartes de visite, des dessins, et tout ce qui est susceptible de pouvoir m’inspirer. C’est aussi dans ce carnet que je me replonge lorsque je travaille sur un nouveau projet. Pour mes travaux de sérigraphie, j’effectue mes impressions sur du papier Rives Dot, dont la texture géométrique constituée de petits points présente un aspect très intéressant : il me rappelle un peu le papier d’art, mais sans être « kitsch ».

 

Sérigraphie sur différentes teintes du papier Keaykolour

Essais de sérigraphie sur différentes teintes de Keaykolour
à l'Atelier Silium (FR)

Comment cette préoccupation que vous nourrissez à l’égard du papier a-t-elle influencé votre travail sur les affiches que vous avez réalisées en collaboration avec Antalis ?

J’ai ici utilisé des papiers Keaykolour en jouant sur des couleurs différentes. C’est un peu comme si le papier parlait de lui-même. La couleur bordeaux évoque l’idée d’un certain chic, mais il ne fallait pas non plus que cela soit excessif. L’or devait briller, mais pas trop : tout tient à un savant mélange. Les pastels et le noir légèrement brut offraient, quant à eux, un contraste intéressant.

Carte de vœux créée par Sophie Brice et imprimée sur le papier Curious Matter Andina GreyCréation d'une carte de vœux pour HRCLS par Sophie Brice imprimée sur Curious Matter Andina Grey
 

Peut-on dire que le dessin, les voyages et la gastronomie aient quelque chose en commun ?

J’ai eu comme une petite révélation en retournant à La Grenouillère (le restaurant d’Alexandre Gauthier, dans le Nord de la France, qui est titulaire de deux étoiles Michelin) il y a quelques semaines. Il m’a en effet semblé y comprendre que si j’aimais la gastronomie, c’est parce que celle-ci a le pouvoir de constituer comme une sorte de petit voyage. Il s’agit d’un moment où l’on accepte de se laisser porter et où l’on découvre des choses magnifiques, de nouvelles saveurs. La gastronomie offre également la possibilité de prendre une pause. Nous sommes, de fait, tellement occupés de nos jours que ces intermèdes sont tout aussi précieux que nécessaires.Le dessin constitue également une autre parenthèse. Dans mon activité de directrice artistique, je suis toujours sur l’ordinateur, et le dessin me permet de me replonger dans mes voyages.
 

Pour en découvrir davantage, n’hésitez pas à visiter le site http://www.sophiebrice.com/